Montréal, le mercredi 28 janvier 2015 –
« Es-tu vraiment prête à vivre avec la décision d’avoir tué ton enfant? »1.
« Tu sais que quand tu te fais avorter dans des CLSC, eux, ils font le commerce de la vente de fœtus pour les vendre à des laboratoires »2.
Tels sont les propos tenus à des femmes qui cherchent du soutien pour prendre une décision quant à une grossesse non planifiée.
À l’occasion du 27e anniversaire de la décision Morgentaler qui a décriminalisé l’avortement au Canada, la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) lance un rapport alarmant sur les pratiques des « ressources conseil grossesse »3 anti-choix et leurs impacts inquiétants sur les femmes enceintes et les droits reproductifs. Alors qu’au Québec, la population est majoritairement en faveur du libre-choix (81% – Léger Marketing, 2010), ce droit est menacé par ce phénomène relativement nouveau dans la province.
Nouvelle stratégie du mouvement anti-avortement
Le rapport lancé aujourd’hui constate l’augmentation du nombre de centres conseil grossesse anti-choix, passant de moins de 5 à plus de 15 au Québec en dix ans. Ces ressources, qui s’opposent farouchement au libre-choix, affichent une façade publique neutre et professionnelle et prodiguent des « conseils » aux femmes qui font face à une grossesse non planifiée. Leur position anti-avortement est souvent dissimulée sous un discours en apparence pro-choix, ce qui les rend excessivement difficiles à repérer tant pour le public que pour les services de santé et les services sociaux.
Les ressources conseil grossesse anti-choix tentent de convaincre les femmes de poursuivre leur grossesse à tout prix; pour ce faire, certains propagent des informations inexactes, utilisent un vocabulaire culpabilisant ou jouent sur les émotions de la clientèle. Certains peuvent ainsi prétendre que l’avortement augmenterait les risques de cancer du sein, rendrait infertile, causerait de la détresse psychologique, rendrait alcoolique, rendrait violente envers ses enfants et, en somme, détruirait leur vie. Voici quelques citations frappantes recueillies par des journalistes jouant les « clientes mystères » auprès d’intervenantes dans ce type d’établissement :
« Des fondations pour la protection des animaux donnent des subventions aux laboratoires pour qu’ils utilisent des fœtus avortés au lieu des rats. Ils s’en servent aussi pour fabriquer des produits de beauté. » 2
« Tu sais, je connais des femmes qui se sont fait avorter et qui ont sombré dans la dépression, la drogue, et qui détestent les hommes. » 1
En quittant, la dame (…) remet (…) une épinglette en or qui représente deux petits pieds en lui disant : voici à quoi ressemblent les pieds de ton bébé en ce moment.1
Les affirmations liées aux risques physiques et psychologiques de l’avortement sont bien entendu fausses et réfutées par les Agences de santé publique. « Le fait de propager des informations erronées sur l’avortement est non seulement contraire à l’éthique, mais crée des inquiétudes injustifiées chez les femmes qui l’envisagent. Par exemple, certains organismes disent que l’avortement peut causer le cancer du sein ou un “syndrome post-avortif” », souligne la chercheure Audrey Gonin
Impacts sur les femmes et le libre-choix
Le libre-choix est un élément fondamental de l’égalité entre les genres. Il est aussi important d’accompagner les femmes dans leur grossesse et leur projet familial que dans leur prise de décision quant à l’interruption d’une grossesse non désirée.
La mauvaise information diffusée par ces centres et leurs pratiques d’intervention ont de multiples conséquences sur les femmes et l’exercice de leurs droits. Cela peut avoir pour effet de :
- rendre impossible de faire un choix éclairé ;
- poursuivre une grossesse alors que la femme ne sent pas avoir les ressources nécessaires ;
- retarder la prise de décision et ne plus avoir accès à l’avortement parce que le délai est dépassé;
- créer de la détresse psychologique et une angoisse face à sa santé ou à sa fertilité future.
Pour la FQPN, « L’intervention des organismes soutenant les femmes vivant une grossesse non planifiée doit avoir pour but de les accompagner dans leur prise de décision et non pas de les convaincre qu’une option est « meilleure » que l’autre », affirme Sophie de Cordes, coordonnatrice de la FQPN.
Recommandations et outils
S’appuyant sur les résultats de la recherche de Audrey Gonin et al.4, la FQPN rend aujourd’hui disponible l’outil Mieux comprendre les ressources conseil grossesse anti-choix au Québec et un jeu interactif adressé au grand public pour arriver à les démasquer.
La FQPN interpelle également le gouvernement du Québec et soumet deux recommandations :
1) La création d’un site d’information gouvernemental offrant des informations justes et précises sur le libre-choix, la grossesse et l’avortement.
2) Un module de formation destiné aux intervenant.e.s sociaux qui sont susceptibles d’accueillir le demande d’accompagnement en ambivalence de grossesse, afin de les outiller pour débusquer ces centres et leur donner des outils pour assurer une référence adéquate de leur clientèle.
Pour finir, celles qui ont besoin de services d’accompagnement à la prise de décision dans un cas de grossesse non planifiée peuvent contacter un de ces trois organismes, membres de la FQPN :
SOS Grossesse Québec, 418 682-6222
SOS Grossesse Estrie, 819 822-1181
Grossesse secours, 514 271-0554
Références :
1 BRASSARD-LECOURS, Gabrielle, (2014), « La fausse liberté de choisir », 2 octobre, Ricochet.
2 DUCHAINE, Gabrielle, (2010), « Avortement : la grande manipulation », 28 octobre, Rue Frontenac.
3 FQPN, (2015), Mieux comprendre les ressources conseil grossesse anti-choix au Québec.
4 GONIN, Audrey, Véronique PRONOVOST et Mélissa BLAIS, (2014), Enjeux éthiques de l’intervention auprès des femmes vivant une grossesse imprévue au Québec. Discours et pratiques des ressources anti-choix et pro-choix., FQPN-Service aux collectivités-UQAM.