Le féminisme en politique, c’est fini

Lettre ouverte de la FQPN

Publié le 17 avril, 2025 par La Presse

https://www.lapresse.ca/dialogue/opinions/2025-04-17/debat-des-chefs-en-francais/le-feminisme-en-politique-c-est-fini.php

Nous avons eu notre moment. Souvenez-vous quand Justin Trudeau s’est déclaré féministe en 2015 et a visé la parité dans son cabinet. Cela semble être une histoire d’une autre époque, presque naïve comparée au ton de la campagne électorale actuelle.

Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à une régression mondiale des droits fondamentaux en santé sexuelle et reproductive, mais aussi à une remise en question des droits humains des personnes 2SLGBTQIA+ dans trop de pays, dont le Canada.

Les Canadiennes et Canadiens ne sont pas à l’abri de ces reculs. En mars de cette année, Mark Carney est devenu premier ministre du Canada sans être un élu et a aboli le poste de ministre des Femmes, de l’Égalité des genres et de la Jeunesse. Nous sommes consternées de voir que, sous prétexte de répondre vigoureusement à une guerre commerciale injuste, le gouvernement donne le signal qu’il abandonne ses engagements envers la lutte pour l’égalité des genres.

Cette décision n’était qu’un signe avant-coureur des enjeux qui seraient vus comme prioritaires dans la campagne électorale, où l’égalité des genres est totalement absente des plateformes politiques des partis.

L’égalité des genres n’est pas un enjeu marginal même pendant une crise économique, alors que la pauvreté touche de manière disproportionnée les femmes.

Si le gouvernement prépare une réponse économique solide, il est absurde d’invisibiliser les femmes qui, rappelons-le, comptent pour la moitié de l’électorat. Les chefs de parti sont-ils conscients que les femmes participent à l’économie ? En 2025, elles peuvent même voter !

Tout au long de cette campagne électorale, il y a eu manque d’engagements sérieux envers le droit à l’avortement, alors que nos voisines du sud viennent de perdre ce droit que tout le monde pensait acquis. Il faut se rappeler que le Québec et le Canada ont progressé en matière d’égalité des genres grâce à une lutte constante pour revendiquer des changements sociaux. Tous les signes nous indiquent qu’il est temps de se réengager, et non de baisser la garde.

Ironiquement, le mot « femme » a été évoqué pour la première fois à sept minutes de la fin du débat des chefs mercredi soir.

Nous avons aussi eu droit à un échange désorganisé qui se concentrait plus sur le crime et la victimisation des femmes que sur une position claire et proactive de défense des droits des femmes.

Simone de Beauvoir nous avait prévenues : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

L’indifférence des chefs face aux droits fondamentaux des femmes à l’autonomie corporelle et à l’autodétermination devrait sonner l’alarme. L’instrumentalisation de la « pire crise de nos vies » risque de légitimer des reculs irrévocables au nom de l’économie et l’union du pays.

Voter n’est que le premier geste, nous resterons vigilantes et engagées pour nos droits. Nous ne redeviendrons jamais des citoyennes de seconde zone.